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Chef décoratrice


 « Tout peut m’inspirer au quotidien, pour créer un décor de cinéma. J’aime quand ce que j’ai mis en œuvre se fond naturellement dans la mise en scène du réalisateur. En région Occitanie, les décors naturels sont légion et je découvre régulièrement de nouveaux lieux. »

VALÉRIE GRALL, Chef décoratrice

 

 

Donner corps à la fiction

Elle court, entre deux trains, dégage un peu de temps afin de raconter son métier, chef décoratrice. Dans un milieu très masculin, Valérie Grall s’est imposée comme une référence en la matière et explique, sans ambages, avoir « eu la chance de tomber sur des hommes qui n’étaient pas machos. J’ai été élevée par des hommes, dans ma famille. Cette éducation m’a peut-être aidée, je me suis toujours sentie à ma place sur les plateaux. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de construire les décors ou d’être charpentier, mais de savoir choisir. »
Formée à l’architecture aux Beaux Arts, elle lâche ses études après avoir rencontré une scénographe de théâtre. C’est aux Bouffes du Nord, sous la direction de Peter Brook, qu’elle entre au département costumes, en assistant la scénographe Chloé Obolensky.

De fil en aiguille, elle se fait un nom, devient ensuite assistante du chef décorateur Georges Levy. Très vite, elle découvre le côté aventurier de ce métier, qui a tendance à ouvrir le champ géographique, mais aussi à transgresser le temps.
C’est en ce sens que Valérie Grall sillonne parfois l’hexagone en compagnie du chargé des repérages, à la recherche de lieux capables de donner vie et d’incarner, le plus naturellement possible, un scénario à l’écran.

Dans la pléthore de collaborations effectuées, pour le théâtre, le cinéma ou la télévision, elle conserve un souvenir particulièrement émouvant du tournage de la série Médecins des Hommes réalisée par Jacques Perrin et basée sur l’histoire vraie des boat people fuyant le régime militaire vietnamien. Afin de reconstituer un navire appareillé pour le compte de Médecins du Monde, Valérie Grall est partie à Manille, où des habitants l’ont aidé à reconstituer tous les éléments maritimes nécessaires, dans la mer de Chine. C’est sur ce plateau, en 1986, qu’elle a réalisé l’importance des relations humaines et les moments de vie exceptionnels, intimement liés à la pratique cinématographique.

Au-delà du travail en synergie, elle reconnaît qu’il faut avoir l’œil, pour créer un décor crédible. A cet égard, Valérie Grall puise son inspiration dans le voyage, la lecture et l’art pictural. Son décor le plus emblématique n’est pas le plus onéreux, mais sans doute le plus onirique. Pour cette femme qui aime l’idée de travailler les éléments scénographiques à partir de la peinture, il s’agit d’un véritable travail de funambule entre la transcendance du naturalisme et l’adhésion à la fiction. Elle dit alors, qu’il ne faut pas coller au réel, qu’un « bon décor doit se constituer de petites œuvres jonglant entre elles. La magie exercée par le décorateur opère quand celui-ci arrive à créer un univers suffisamment puissant, assez magique, pour que le spectateur croit à l’histoire racontée. »

Une grande faculté d’adaptation, entre le travail en studio et l’extérieur, permet à cette chef décoratrice de comprendre comment le regard se pose sur l’espace de fiction. Ce travail d’écoute, permet alors au réalisateur de poser sa caméra. La relation entre ce dernier et le chef décorateur, s’abreuve de transmission, dans la mesure où il est question de « faire revivre » ce qui est enfoui dans l’histoire. Pour Valérie Grall, il s’agit à la fois d’un travail de compréhension mais aussi d’introspection : « On doit être capable de comprendre ce que veut le metteur en scène. » Après réception du scénario, un véritable travail de fusion commence avec le réalisateur. De la lecture jusqu’au découpage des séquences du film, tout consiste, dans la création des décors, à « pousser le cadre », selon les moyens budgétaires alloués par la production. Ainsi, le budget conditionne le décor. De ce travail en amont du tournage, plusieurs semaines de repérages sont nécessaires. Au cours de cette période, il arrive, au détour d’une balade ou d’un trajet quotidien, qu’un lieu qui n’était ni mentionné ni prévu dans le texte, trouve sa place dans le film. Pour Valérie Grall, cette possibilité, au cours d’une déambulation, est particulièrement vraie en Occitanie : « C’est une région d’une richesse inouïe, où l’exploration est infinie, entre mer et montagne. ». La qualité des décors du film s’imprègne donc de ce regard en état de veille permanent sur les grands espaces comme les menus détails capables qui s’intégreront à la réalisation. Un long métrage génère en moyenne entre une vingtaine et une cinquantaine de décors différents, minutieusement consignés dans un plan de travail. Dans cette « course poursuite », lancée comme un défi, Valérie Grall apprécie le renouvellement perpétuel et la véritable machine d’horlogerie qui n’a cesse de donner corps à la fiction.

 
 

5 dates qui ont marqué le parcours de Valérie Grall :

1970 : Découverte de Piero Della Francesca, Madone del Parto Monterchi Italie
1974 : Construction de dômes géodésiques suivant les plans de Buckminster Fuller à la Cartoucherie de Vincennes.
1980 : Assistante de Chloé Obolensky, La Cerisaie mis en scène de Peter Brook, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
1986 : Collaboration à la série Médecins des Hommes, Laurent Heynemann , Sénégal, Jacques Perrin , Philippines
2017 : Avoir eu la confiance de Cyril Teste, collectif MXM, pour réaliser avec lui la scénographie de Festen, performance filmique.

5 films qui ont marqué le parcours de Valérie Grall :

La femme secrète. Sébastien Grall. 1981
La Lumière du Lac. Francesca Comencini. 1986
Les Mois d’Avril sont meurtriers. Laurent Heynemann. 1986
Les Milles. Sébastien Grall. 1995
Komma. Martine Doyen. 2005)

Son actualité :

Les Innocents. Fredéric Berthe. 2018 (série tournée en région Occitanie)
Festen. Cyril Teste. 2017. (pièce de théâtre intégrant du tournage en direct))